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26 novembre 2024

Des négociations de bonne foi auraient permis d’éviter la grève à Postes Canada

Cela commence à devenir un peu prévisible, mais les travailleurs d’une autre grande industrie sous réglementation fédérale ont été poussés vers un conflit de travail pour la troisième fois en autant de mois. Les employés du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) de Postes Canada ont voté massivement en faveur d’un mandat de grève. Il y a quelques semaines, les travailleurs portuaires et les débardeurs de la Colombie-Britannique et du Québec ont été mis en lock-out à la suite d’importants conflits de travail, et en août, ce sont les travailleurs ferroviaires représentés par le syndicat des Teamsters qui s’étaient retrouvés en lock-out. Dans ces deux cas, le ministre du Travail a imposé un arbitrage contraignant aux travailleurs pour qu’ils reprennent le travail très rapidement. Les industries sous réglementation fédérale refusent-elles délibérément de négocier de bonne foi, sachant que le gouvernement agira de la sorte? Et qu’est-ce que cela laisse présager pour les travailleurs postaux en grève?

En préambule aux grèves des secteurs portuaire et ferroviaire, le ministre du Travail a utilisé les pouvoirs que lui confère l’article 117 du Code canadien du travail pour ordonner au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) d’imposer un arbitrage contraignant. Cette mesure est légèrement différente de l’adoption d’une loi de retour au travail (qui nécessiterait le vote des parlementaires), mais elle a un effet similaire. Elle oblige les employeurs à négocier avec les travailleurs par l’intermédiaire d’un arbitre tiers, et l’accord négocié par ce dernier est contraignant, ce qui signifie que les travailleurs reprennent le travail avec un nouveau contrat, même si leurs revendications demeurent insatisfaites. Il s’agit essentiellement d’une loi de retour au travail dont on a légèrement arrondi les contours et qui n’a pas fait l’objet d’un vote à la Chambre des communes.

Dans le cas de Postes Canada, le ministre a déclaré récemment qu’il « n’envisage pas d’autre solution que la négociation. Pour l’instant, chaque jour est un nouveau jour dans les négociations collectives, et nous allons continuer à soutenir les parties de toutes les manières possibles et à nous assurer qu’elles sont en mesure d’essayer de parvenir à un accord négocié ». On a l’impression que c’est presque délibérément que cette déclaration est vague. Les négociations entre les 55 000 travailleurs en grève et Postes Canada sont exactement la voie à suivre. Un accord équitable et négocié de bonne foi entre les deux parties est ce qui permettra d’obtenir les meilleurs résultats possible pour les travailleurs et pour les Canadiens. Mais dans sa déclaration, le ministre ne précise pas à quel type de négociations il fait allusion, et il ne semble pas exclure l’arbitrage obligatoire. Les travailleurs des postes tentent de négocier depuis près d’un an, mais Postes Canada demeure inflexible. Bien qu’un médiateur spécial ait été nommé, le ministre semble hésiter à se rendre jusqu’à l’arbitrage obligatoire pour l’instant.

Comme pour la plupart des négociations, l’amélioration des salaires fait partie des discussions, mais la sécurité des travailleurs constitue l’une des principales questions en litige. Les employés de Postes Canada se classent au deuxième rang national pour ce qui est du taux de fréquence des accidents invalidants sur les lieux de travail sous réglementation fédérale, derrière les travailleurs du domaine des transports routiers (principalement les camionneurs). L’augmentation des congés de maladie et l’amélioration des prestations du régime collectif d’assurance-santé sont également au centre des préoccupations des travailleurs postaux.

Le gouvernement fédéral a déjà eu recours à des lois de retour au travail pour mettre fin à des grèves de travailleurs des postes, notamment en 2018, lorsque les employés de Postes Canada avaient opté pour des grèves tournantes afin de mener des actions syndicales tout en assurant le maintien du service. Le gouvernement majoritaire de l’époque avait répliqué en faisant adopter une loi de retour au travail, minant ainsi le droit à la négociation collective. Cela s’était également produit sous le précédent gouvernement conservateur, alors que la ministre du Travail de l’époque, Lisa Raitt, s’était servie de la loi pour forcer les travailleurs des postes à reprendre le travail en 2011. L’ironie, à ce moment-là, c’est que ces derniers n’étaient même pas en grève, et qu’ils avaient plutôt été mis en lock-out par Postes Canada.

Même si, au moment où j’écris ces lignes, le STTP et Postes Canada sont toujours dans l’impasse, il est essentiel que le droit à des négociations collectives libres et équitables soit maintenu. Il est évident que les grèves dérangent. Mais c’est justement l’objectif. L’action syndicale a pour but de mettre en lumière le désaccord entre les travailleurs et la direction afin d’exiger de meilleurs salaires et conditions de travail. Mais devant la fréquence à laquelle on a eu recours à l’arbitrage obligatoire ces derniers temps, il y a lieu de se demander si que les entreprises ne choisissent pas simplement de ne pas s’asseoir à la table des négociations et de retarder le moment des négociations dans l’espoir que le gouvernement fédéral forcera les parties à conclure un accord. Un fait demeure : tout ce problème aurait pu être évité si Postes Canada avait négocié de bonne foi dès le départ.