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10 juin 2022

Il est grand temps de prendre conscience de l’offre de médicaments toxiques au Canada

La crise des opioïdes est en train d’atteindre un point de non-retour au Canada. C’est un problème qui sévit autant dans les grands centres métropolitains que dans les villes rurales, mais qui a malheureusement été relégué au second plan en raison d’un autre grand défi sanitaire : la pandémie de COVID-19. Les séquelles laissées par les opioïdes seront plus durables, et les défis à relever sont moins évidents, mais c’est un problème auquel il faut s’attaquer de front.

Avec la fourniture de drogues de rue plus en plus toxique et non réglementée, il est devenu presque impossible de s’assurer de l’innocuité de toute drogue transformée en circulation. La pandémie n’a fait qu’amplifier les obstacles à un traitement efficace et à la réduction des risques, et l’éloignement physique a encore exacerbé le problème : des personnes prennent des drogues en isolement et en meurent.

Selon les données de l’Agence de la santé publique du Canada, le décès d’au moins 5 368 Canadiens est qualifié de « décès apparemment lié à une intoxication aux opioïdes », c’est-à-dire un décès où les opioïdes ont joué un rôle central, entre janvier et septembre 2021, soit les données disponibles les plus récentes. Ce chiffre représente près de 20 décès liés aux opioïdes par jour au Canada. En Ontario, le coroner en chef a indiqué que 2 819 personnes sont mortes à cause des opioïdes en 2021. Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est l’endroit où ces décès surviennent. Les six unités de santé publique qui ont signalé le plus grand nombre de décès liés aux opioïdes par habitant étaient toutes situées dans le Nord de l’Ontario. Ainsi, bien qu’il s’agisse d’une urgence nationale, les villes et les régions rurales du Nord sont particulièrement touchées. À l’heure actuelle, la plupart d’entre nous connaissent quelqu’un qui a été touché, directement ou indirectement, par cette crise.

Compte tenu de ce que nous savons de la crise, il est clair que les mesures actuelles visant à lutter contre la dépendance, le traitement et la toxicité de l’offre ont été futiles. La criminalisation des toxicomanes pour possession mineure de substances contrôlées s’est avérée être un moyen inefficace de réduire les dommages et a sans doute eu l’effet inverse en poussant les consommateurs à la clandestinité. Les personnes qui consomment des drogues de rue, que ce soit par dépendance, pour la première fois ou pour toute autre raison, n’ont aucune idée de ce que contient la drogue qu’elles achètent. Les revendeurs coupent souvent leur stock avec du fentanyl, du carfentanyl, des benzodiazépines et d’autres substances, de sorte que les personnes qui pensent acheter une drogue obtiennent en fait des éléments d’une autre drogue bien plus forte et dangereuse.

Il faut cesser de forcer les consommateurs à se cacher en les criminalisant, adopter la réduction des risques et fournir aux consommateurs des conseils et un soutien en matière de dépendance s’ils le souhaitent. Une approche axée sur la santé serait beaucoup plus efficace pour réduire les surdoses. Le gouvernement a récemment pris une décision extraordinaire, à la demande du gouvernement de la Colombie-Britannique et du maire de Vancouver, en décriminalisant la possession de petites quantités d’opioïdes, de cocaïne, de MDMA et de méthamphétamines, jusqu’à 2,5 grammes cumulés. Les revendeurs et les trafiquants seront tout de même soumis au droit pénal. Une demande similaire a été formulée par le maire de Toronto, mais aucune décision n’a encore été prise à ce sujet.

Il est important de souligner que cette décision a été prise un jour avant le vote sur le projet de loi C-216, une loi sur une approche de la toxicomanie fondée sur la santé. Le projet de loi C-216 aurait adopté une approche similaire, mais aurait appliqué la même norme à l’échelle nationale, et aurait fait beaucoup plus. Il aurait permis la radiation des condamnations antérieures pour possession, exigé du ministre de la Santé qu’il élabore une stratégie nationale pour s’attaquer aux dommages causés par la consommation problématique de substances, et fourni un accès à un approvisionnement plus sûr, à la réduction des méfaits, au traitement et aux services de rétablissement. La majorité des députés libéraux se sont joints aux conservateurs pour voter contre cette loi, ce qui n’a guère de sens. Pourquoi une approche visant à réduire les méfaits dans une grande ville aux prises avec une dépendance aux opioïdes fonctionnerait-elle dans une ville, mais pas à l’échelle nationale? C’est particulièrement troublant lorsque les gens des régions rurales et du Nord ont besoin de services pour réduire les cas de drogues contaminées et de services de santé pour traiter la dépendance, mais qu’ils n’y ont pas accès.

À ce stade, il ne s’agit pas d’idées radicales. Ces mesures ont été appuyées par le groupe de travail du gouvernement sur la consommation de substances. Elles ont également été appuyées par un certain nombre d’organismes d’application de la loi, dont l’Association canadienne des chefs de police (ACCP). L’ACCP a noté que l’arrestation de personnes pour simple possession ne sauve pas de vies et a recommandé d’adopter une approche fondée sur la santé plutôt que sur l’application de la loi.

Toutefois, cette approche n’est pas non plus une solution miracle. Elle ne résoudra pas le problème du jour au lendemain. Le fentanyl et d’autres drogues puissantes mais bon marché resteront un problème dans l’offre, mais au moins les utilisateurs se sentiront plus à l’aise pour tester ces substances. Des sites supervisés permettraient aux utilisateurs de le faire en toute sécurité. Et lorsqu’elles seront prêtes, les personnes dépendantes pourront se faire soigner. Le statu quo que nous observons depuis des décennies n’a pas permis de réduire le nombre de surdoses, au contraire, il a augmenté. Il est temps d’adopter une approche différente.