27 janvier 2025
Il faut enquêter sur les géants de l’alimentation qui faussent le poids des viandes
Sans surprise aucune, les géants de l’alimentation Loblaw, Walmart Canada et Sobeys sont à nouveau visés par une action collective, cette fois-ci parce qu’ils vendraient des emballages de viande ne contenant pas la quantité indiquée sur l’étiquette. Si cette poursuite se révèle fondée, elle démontrera une fois de plus l’acharnement d’une industrie tissée serré qui est déterminée à saigner les Canadiens à blanc.
Cette action en justice a été intentée par Carrie Corrall, la plaignante principale, le 9 janvier à Vancouver. La poursuite allègue que ces épiciers incluent de manière trompeuse le poids de l’emballage dans le prix des viandes vendues au poids, ce qui contrevient aux règlements fédéraux et provinciaux.
L’action collective envisagée devra d’abord être autorisée par un juge pour aller de l’avant; or, comme les géants de l’alimentation ont souvent pris des libertés avec la loi par le passé, cette affaire mérite au moins d’être examinée. Beaucoup se souviendront sans doute de l’action collective intentée contre de grands acteurs du secteur, dont Loblaw, Weston, Canada Bread, Sobeys, Metro, Walmart Canada et Tigre Géant, accusés d’avoir fixé le prix du pain de 2001 à 2015. Il y a six mois, Weston et Loblaw ont accepté de payer 500 millions de dollars à eux deux pour régler les actions collectives les visant en Ontario et au Québec, ce qui constitue le plus important règlement de recours collectif de l’histoire canadienne. Si une entreprise comme Loblaw n’a pas de scrupules à fixer le prix du pain, on peut facilement concevoir que l’inclusion du poids de l’emballage dans le prix de la viande pourrait être une autre de ses stratégies du même acabit.
Une récente enquête de CBC News a révélé que la chaîne Loblaw avait vendu des emballages de viande contenant une quantité moindre que celle affichée sur l’étiquette dans 80 épiceries pendant une période non précisée qui a pris fin en décembre 2023. Une autre enquête menée par CBC News dans sept épiceries du pays en 2024 a révélé que des emballages de viande ne contenant pas la quantité indiquée étaient vendus dans quatre d’entre elles et que la surfacturation était de l’ordre de 4 à 11 %. Pour mettre les choses en perspective, au moment de la rédaction de cet article, une livre de bœuf haché extra-maigre se vendait 9,49 $. Faisons une moyenne et disons que l’emballage correspond à 7,5 % du poids de cette livre de bœuf. La surfacturation serait alors de 0,71 $ par livre. Certes, elle n’est pas énorme à l’échelle individuelle, mais au fil des mois, des années et des décennies, elle finit par coûter cher aux Canadiens. Si une personne achetait cette livre de bœuf, toujours au même prix, une fois par semaine pendant un an, elle se verrait facturer 36,92 $ de trop.
En attendant qu’un juge détermine si l’action collective est fondée, il convient de noter que les lois canadiennes sur l’étiquetage des aliments exigent que la quantité nette déclarée reflète avec exactitude la quantité contenue dans l’emballage. Si des entreprises induisent les consommateurs en erreur quant à la quantité et au contenu des aliments qu’elles vendent, elles enfreignent la loi. L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a le mandat d’enquêter sur les allégations comme celles formulées dans le cadre de l’action collective et de veiller à ce que les géants de l’alimentation respectent la lettre de la loi. Or, lorsqu’elle a été saisie d’une plainte selon laquelle Loblaw et d’autres géants de l’alimentation se livraient à cette pratique de surfacturation à la fin de 2023, l’ACIA a affirmé qu’elle n’avait pas fait enquête parce que l’épicier avait déclaré avoir corrigé le problème. Il est décourageant que des autorités de réglementation de l’industrie comme l’ACIA croient ainsi un détaillant sur parole. De 2019 à 2023, l’ACIA a mené 11 autres enquêtes sur des cas où le poids des aliments ne correspondait pas à ce qui était vendu, mais elle n’a infligé aucune amende.
Cette action en justice témoigne de nombreux problèmes observés dans l’industrie de l’alimentation et du fait qu’un nombre trop restreint d’acteurs contrôlent une part beaucoup trop grande de ce secteur, à l’instar de l’industrie des télécommunications, qui escroque les Canadiens en leur proposant un choix limité de produits et services essentiels. Par exemple, les clauses restrictives, qui limitent les types de magasins pouvant s’installer dans une propriété laissée vacante par un épicier, empêchent l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché. Les clauses d’exclusivité, qui interdisent à un locateur de louer des terrains à des concurrents directs d’un locataire, nuisent aussi directement à la concurrence et maintiennent les prix des aliments à un niveau artificiellement élevé. Enfin, et surtout, il faut donner à nos organismes fédéraux de protection, tels que l’ACIA et le Bureau de la concurrence, les moyens de riposter quand les géants de l’alimentation malmènent les consommateurs.
Le coût des aliments reste beaucoup trop élevé, et les grandes entreprises du secteur ne cessent d’engranger des profits records. Nous devons faire appel au pouvoir des autorités fédérales pour veiller à ce que ces entreprises n’agissent pas dans l’illégalité.