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4 septembre 2024

Il faut mettre fin aux abus du Programme des travailleurs étrangers temporaires

Au plus fort de la pandémie de COVID-19, le gouvernement fédéral a fait des changements au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) pour venir en aide aux entreprises qui avaient du mal à trouver des employés à cause des faibles taux de chômage. Bien que les changements apportés au nouveau volet des travailleurs étrangers temporaires (TET) peu qualifiés puissent avoir été nécessaires à court terme pour certaines entreprises, le programme est devenu propice aux abus commis par des entreprises sans scrupules qui brandissent la menace de l’expulsion pour réduire les TET au silence et qui abaissent le salaire des jeunes et des novices sur le marché du travail canadien.

Pour les personnes qui ne connaîtraient pas le fonctionnement du PTET, ce programme a été créé en 1973 pour permettre aux entreprises d’embaucher des travailleurs qualifiés en cas de pénurie de main‑d’œuvre sur le marché du travail canadien. La plupart des personnes ainsi embauchées travaillaient dans un secteur spécialisé comme les soins de santé. Les employeurs qui ne trouvaient pas de Canadiens qualifiés devaient réaliser une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) pour démontrer la nécessité d’embaucher un travailleur étranger. Il s’agit d’une stratégie viable que la plupart des pays industrialisés utilisent pour s’assurer d’avoir constamment accès à une variété de compétences qui correspondent aux besoins. Or, en 2002, une nouvelle catégorie est venue s’ajouter au PTET, celle des « travailleurs peu qualifiés ». Elle permet aux entreprises d’embaucher des travailleurs pour doter des postes qui ne nécessitent pas des compétences spécialisées introuvables sur le marché canadien. C’est sans doute le changement le plus important qui a été fait au programme depuis sa création, et même si la plupart des employeurs s’en servent à bon escient, le volet des travailleurs peu qualifiés a été considérablement entaché d’abus.

Au fil des ans, tant sous les conservateurs que sous les libéraux, il y a eu de nombreux signalements d’abus mettant en cause de petites et de grandes entreprises, dont McDonald, Microsoft et la Banque Royale du Canada. Le rapport le plus accablant est sans doute celui fraîchement publié en juillet dernier par le rapporteur spécial des Nations Unies Tomoya Obokata, qui qualifie le PTET de terreau fertile pour l’esclavage moderne. Ce rapport explique que le programme ouvre la porte aux abus et à l’exploitation des TET, qui dépendent du bon vouloir de leur employeur pour conserver leur statut et éviter l’expulsion. Il énumère de nombreux problèmes suscités par le programme, y compris des cas de rémunération insuffisante, de vol de salaire, de violences physiques, émotionnelles et verbales, d’horaire de travail excessif, de pauses limitées, de tâches extracontractuelles, de fonctions de gestion non rémunérées, d’accès insuffisant à de l’équipement de protection individuelle (parfois dans des conditions dangereuses), de confiscation de documents et de réduction arbitraire du nombre d’heures de travail. Même si la grande majorité des employeurs agissent en conformité avec le système, il demeure nécessaire de mettre fin aux abus qui se produisent et de résoudre les problèmes liés au volet des travailleurs peu qualifiés du PTET, comme l’éventuelle diminution des salaires des jeunes Canadiens causée par des employeurs profitant du système pour embaucher des travailleurs étrangers à des salaires inférieurs. Dans un récent rapport, le Sénat a signalé des allégations troublantes du même genre. Par la suite, le Toronto Star a indiqué dans un récent reportage qu’en 2022, le personnel d’Emploi et Développement social Canada avait reçu la directive de suspendre les vérifications de routine effectuées pour déceler les abus afin d’accélérer le traitement des demandes.

La semaine dernière, le gouvernement fédéral a approuvé la demande du gouvernement du Québec visant à suspendre l’application du PTET à Montréal. En conséquence, on a suspendu pour une période de six mois le traitement des demandes liées au volet des travailleurs peu qualifiés pour les offres d’emploi situées dans la région économique de Montréal dont le salaire est inférieur au traitement médian (27,47 $/heure). Le gouvernement a ensuite appliqué des restrictions supplémentaires au programme à l’échelle du Canada : il a plafonné à 10 % de l’effectif total d’une entreprise le nombre de TET à bas salaire, et il a tout à fait éliminé l’accès des employeurs aux TET dans les régions où le taux de chômage est supérieur à 6 %. Ces mesures pourraient freiner une partie des abus à court terme, mais il nous faut des solutions à long terme.

Le gouvernement fédéral doit corriger les défauts dans la structure du programme qui permettent à la base aux entreprises d’exploiter les TET. Les travailleurs vivent dans la crainte d’être expulsés, ce qui crée un déséquilibre des pouvoirs par rapport aux employeurs, et le fonctionnement actuel du système nous empêche de régler ce problème. Une solution possible serait d’accorder le statut d’immigrant reçu aux TET à leur arrivée au Canada, afin de les prémunir contre les menaces d’expulsion. Le rapport du Sénat contient des recommandations supplémentaires, dont celles d’établir une Commission sur le travail des migrants, d’éliminer progressivement le permis de travail lié à un employeur donné, et d’effectuer des inspections non annoncées dans les lieux de travail qui ont recours au PTET. Ce dernier point est essentiel, car des détails récemment révélés par le NPD montrent que 80 % des inspections des lieux de travail sont effectuées virtuellement, alors que seulement 7 % des inspections sont des visites inopinées.

Compte tenu des problèmes qui s’aggravent, il est urgent que le Canada ferme la porte aux atteintes portées aux droits de la personne et aux droits des travailleurs au moyen du PTET.