2 septembre 2022
Il faut reconsidérer le redécoupage des circonscriptions électorales du Nord de l’Ontario
Tous les dix ans, comme le prévoit la Constitution du Canada, les circonscriptions électorales fédérales sont revues afin de refléter l’évolution des foyers de populations et de redéfinir les limites du territoire représenté par chacun des députés. Cette tâche importante est nécessaire pour que les citoyens soient représentés comme il se doit à la Chambre des communes. Toutefois, si nous n’unissons pas nos voix pour faire pression collectivement et nous faire entendre, l’exercice en cours s’apprête à faire encore une fois du Nord de l’Ontario l’un des grands perdants de ce redécoupage.
La Commission de délimitation des circonscriptions électorales pour l’Ontario a publié un plan de redécoupage proposé qui diminue de un le nombre de sièges pour le Nord de l’Ontario, le faisant passer de dix à neuf, et qui redessine complètement les limites des circonscriptions. Plus précisément, cela signifie que certaines circonscriptions prennent un peu d’expansion, tandis que d’autres deviennent exceptionnellement difficiles à représenter adéquatement. Le redécoupage proposé sera difficile à accepter pour les résidents du Nord de l’Ontario et risque de devenir réalité si nous ne ripostons pas comme il se doit.
Le plan proposé éliminerait complètement la circonscription d’Algoma‑Manitoulin‑Kapuskasing. Son territoire serait redistribué et intégré à trois autres circonscriptions : la circonscription de Manitoulin-Nickel Belt comprendrait l’île Manitoulin et le couloir de la route régionale 17 jusqu’à aussi loin que Blind River, cette ville y compris, et serait fusionné avec une partie du territoire de la circonscription actuelle de Nickel Belt, qui s’étend aussi loin que jusqu’à la rivière des Français; la partie nord-est de la circonscription (Première Nation de Constance Lake et de Hearst jusqu’à Driftwood) serait fusionnée avec une partie de la circonscription actuelle de Timmins-Baie James et serait renommée Cochrane‑Timmins‑Timiskaming; les villages du Nord-Ouest, tels que Wawa, White River, Dubreuilville et Chapleau, feraient dorénavant partie de la circonscription Sault Ste. Marie, qui s’étendrait d’Echo Bay jusqu’à Iron Bridge.
Les circonscriptions sont modifiées et redécoupées en fonction d’un certain nombre de facteurs, principalement la population. Toutefois, d’autres facteurs doivent être priorisés dans cette prise de décision étant donné les difficultés qu’entraînent déjà l’infrastructure limitée et l’accessibilité limitée des services dans le Nord. Fusionner des municipalités et des villages ruraux avec des centres plus grands comme il est proposé risque fort d’entraîner des conséquences négatives telles que réduire davantage l’accès aux services pour les habitants des collectivités rurales.
Un autre facteur à considérer est l’effet négatif que cela aura sur le financement des programmes fédéraux partout dans le Nord. Par exemple, le financement associé au programme Emplois d’été Canada est distribué par circonscription. L’élimination de la circonscription d’Algoma‑Manitoulin‑Kapuskasing entraînerait, relativement à ce programme, une perte de financement annuel de l’ordre de 1 million de dollars pour le Nord de l’Ontario. En mettant plus de collectivités rurales dans le même sac que les villes plus grandes et en diminuant les fonds disponibles, on réduit les chances des employeurs d’accéder à cet argent et on réduit les occasions d’emploi pour les jeunes.
Le plan de redécoupage proposé créerait par ailleurs la circonscription de Kiiwetinoong‑Mushkegowuk, qui engloberait toute la région de la province située la plus au nord. Le territoire de cette circonscription proposée aurait une superficie de 520 307 kilomètres carrés (du Manitoba au Québec), l’équivalent géographique du pays de la France, et serait représenté par un seul député. Bien que cette région de la province soit relativement peu peuplée, vu son emplacement et l’infrastructure limitée du Nord de l’Ontario, l’idée qu’une seule personne puisse efficacement représenter autant de collectivités réparties sur un si vaste territoire est malavisée.
L’opposition à ce redécoupage n’est pas une question partisane alors que les députés du Nord de l’Ontario sont préoccupés par les changements proposés aux limites des circonscriptions électorales dans le Nord.
Nous coordonnons nos efforts pour exprimer notre opposition et participerons aux consultations publiques. Même s’il est possible de soumettre un mémoire, nous craignons fort que le nombre limité de séances de consultation empêchera bien des gens d’y participer. En effet, la seule occasion pour les résidents d’Algoma‑Manitoulin‑Kapuskasing, de Nickel Belt, de Sudbury, de Sault Ste. Marie et de Timmins-Baie James d’assister à une audience en personne serait de se rendre à Timmins. Il convient de souligner que deux séances par vidéoconférence sont également offertes. Toutefois, ces séances s’adressent également à d’autres régions de l’Ontario, ce qui limitera, encore là, le nombre d’intervenants qui pourront être entendus.
Le Nord de l’Ontario est une région unique du Canada ayant sa propre géographie physique et humaine. En 1991, dans sa décision relative au renvoi de l’affaire Carter de la Saskatchewan, la Cour suprême a conclu que le droit de vote n’a pas pour objet l’égalité du pouvoir électoral comme telle, mais le droit à une représentation effective. La décision précise que les écarts par rapport à l’égalité au sein de la population se justifient s’ils « permettent de mieux gouverner l’ensemble de la population, en donnant aux questions régionales et aux facteurs géographiques le poids qu’ils méritent ». Il faut tenir compte de cela pour assurer la représentation effective du Nord de l’Ontario.