12 septembre 2023
La déroute vécue avec le système de paye Phénix montre qu’il est temps de le remplacer
Il s’est écoulé plus d’une décennie depuis que le précédent gouvernement conservateur a commencé la mise en œuvre du tristement célèbre système de paye Phénix destiné aux fonctionnaires. Ce qui devait initialement être une mesure de réduction des coûts pour les gouvernements à venir a pris des proportions complètement démesurées du point de vue des coûts engendrés.
En 2009, dans le cadre de l’initiative de transformation de l’administration de la paye de ce gouvernement qui devait servir à la fois à moderniser et à simplifier les systèmes de paye des fonctionnaires tout en permettant au gouvernement de réaliser des économies, un projet de 122 millions de dollars a été approuvé. Ce dernier avait pour objectif de centraliser l’administration de la paye de la plupart des ministères fédéraux. Une autre somme de 186 millions de dollars devait servir à créer un nouveau système de paiement. Cet objectif était raisonnable. Pendant des décennies, les gouvernements ont cherché des moyens de simplifier les systèmes de paye de la fonction publique dans le but d’économiser et, par le fait même, de faire économiser les contribuables pour ce qui est des frais administratifs. La mise en œuvre du système Phénix devait nous permettre d’économiser 70 millions de dollars, car elle permettrait d’éliminer des postes devenus redondants et d’automatiser les processus liés à la paye. En 2016, le gouvernement actuel a lancé le système Phénix dans son intégralité, même si des préoccupations avaient été soulevées à l’époque auprès de Services publics et Approvisionnement Canada à la suite d’une analyse indépendante réalisée par la société d’experts-conseils Gartner Canada au sujet de la viabilité du système. À ce jour, le système Phénix a eu l’effet opposé et n’a pas permis au gouvernement de réaliser des économies.
Les problèmes engendrés par Phénix ont fait gonfler le coût de sa mise en œuvre à un total exorbitant qui atteignait 2,4 milliards de dollars en avril 2022, un montant qui est visiblement encore plus élevé aujourd’hui. En date d’avril de cette année, on recensait plus de 200 000 opérations en suspens liées au système de paye Phénix. Pour bon nombre de fonctionnaires, le système Phénix est devenu un sujet de mauvaises blagues à l’heure de la pause; la plupart des employés de la fonction publique, soit plus de 50 % d’après les estimations les plus prudentes, ont vécu personnellement un quelconque problème avec le système. Toutefois, dans les faits, personne n’entend à rire lorsqu’il est question de cette situation. De nombreux employés ont été sous-payés ou ont dû composer avec des retards ou des reports de leurs chèques de paye. D’autres ont reçu des chèques de paye longtemps après avoir pris leur retraite, ce qui a entraîné des répercussions négatives sur leurs impôts et leur revenu de pension. Certains employés ont reçu des chèques de paye d’un montant de zéro dollar. D’autres ont dû produire une déclaration de revenus à plusieurs reprises au cours de la même année parce que leurs feuillets T4 n’indiquaient pas leurs gains exacts. Il y a également eu des employés qui ont été surpayés; quand des écarts ont été découverts ou signalés, les salaires ont été saisis pour compenser des erreurs n’ayant pas été commises par les employés en soi.
On commence à régler les problèmes de cette nature. Toutefois, bon nombre de fonctionnaires se passeraient probablement des moyens utilisés et opteraient pour une plus grande stabilité économique. En 2019, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) et différents syndicats de la fonction publique sont parvenus à une entente visant à compenser les employés touchés par les problèmes de paye liés à Phénix. Cette entente prévoyait notamment la correction de toute erreur commise et une compensation pour les employés ayant subi les préjudices les plus graves. L’entente comprend entre autres des jours de congé payé supplémentaires, dont deux jours pour les employés ayant travaillé pendant les exercices 2016 et 2017 et un jour pour ceux ayant travaillé au cours de chaque exercice depuis, jusqu’à un maximum de cinq jours de congé supplémentaires. Ainsi, des fonctionnaires ont reçu au total 4,3 millions d’heures de congé à titre de compensation pour avoir eu à gérer des problèmes liés à Phénix pendant huit ans; toutefois, certains fonctionnaires doivent encore composer avec les conséquences de cette situation et attendent toujours une compensation par suite de problèmes vécus il y a plusieurs années.
Le budget de cette année comprenait une somme de 52 millions de dollars destinée à Services partagés Canada pour lui permettre de travailler à une solution permanente de remplacement du système de paye Phénix. C’est le fournisseur Ceridian qui a été choisi parmi trois entreprises concurrentes en 2021 pour remplacer le logiciel posant un problème. Le SCT a désormais pour tâche de gérer les problèmes touchant aux ressources humaines et à la paye. Il est évident que cela fait partie des prochaines mesures qui devront être prises si l’on veut s’assurer de corriger les problèmes rattachés à Phénix, mais ce sera une question de détails.
Dans son rapport de 2018, l’ancien vérificateur général Michael Ferguson s’est montré cinglant autant à l’endroit du gouvernement précédent que du gouvernement actuel relativement à l’absence de mécanismes de surveillance adéquats du déploiement et de la mise en œuvre du système de paye Phénix. Il est important de demander une analyse indépendante du logiciel qui sera utilisé pour remplacer Phénix si l’on ne veut pas se retrouver avec un autre cafouillage qui n’entraîne qu’un gaspillage d’argent et qui ne respecte pas le principe de base qui était de mettre en place un système simplifié et unifié répondant aux besoins des travailleurs fédéraux.
Ces travailleurs doivent avoir l’assurance qu’ils recevront des chèques de paye stables, qu’il n’y aura pas de retards, qu’ils pourront avoir accès à de l’information sur leur paye et leurs avantages sociaux sans se lancer dans une lutte sans fin et que l’on ne gaspillera plus l’argent des contribuables.