9 décembre 2024
Le Canada doit protéger ses ressources en eau
Durant les élections présidentielles américaines de 2024, un commentaire plutôt absurde de la part du candidat à la présidence Donald Trump a suscité des rires déconcertants de ce côté-ci de la frontière. Lors d’une conférence de presse sur un terrain de golf à Los Angeles, il a déclaré qu’il « y a des millions de litres d’eau qui se déversent dans le nord depuis les couches de neige au Canada. Et ils ont essentiellement un très grand robinet. Et vous pouvez ouvrir le robinet et ça prend un jour pour l’ouvrir. Il est énorme. » C’est une déclaration franchement étrange puisque c’est la première fois que la population canadienne entendait parler de l’existence d’un gigantesque robinet sur leur territoire. Bien qu’il serait facile de se contenter de se moquer de ces divagations incohérentes, nous devons tout de même nous demander quelles sont les mesures que le gouvernement fédéral a mises en place, et qui sont toujours d’actualité, pour protéger la souveraineté du Canada sur ses ressources en eau et pour s’assurer que nous ne n’exportions pas cette eau sous pression étrangère?
Malgré le fait que le Canada contienne une réserve importante d’eau douce, environ 7 % de la réserve mondiale, il est important de souligner que nous n’avons pas la capacité d’en faire l’exportation. Les changements climatiques ont déjà accentué nos problèmes d’approvisionnement, causant des périodes de sécheresse dans de nombreuses régions du pays lors des mois secs de l’été. Selon l’Outil de surveillance des sécheresses au Canada, à la fin du mois d’octobre, « 64 % du pays était classé dans la catégorie de temps anormalement sec ou de sécheresse modérée à extrême, dont 67 % des terres agricoles du pays ». Bien qu’il soit logique de supposer que le secteur industriel est le plus grand consommateur d’eau du pays, sa consommation s’élève à un pourcentage ahurissant de 91,2 % de l’utilisation de l’eau dans tout le pays. Selon la Commission mondiale sur l’économie de l’eau, la demande mondiale d’eau douce risque de dépasser l’offre de 40 % dès 2030.
Bien que les changements climatiques soient le plus grand danger pour nos réserves d’eau douce, il existe d’autres facteurs qui menacent directement nos ressources. La renégociation de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) doit avoir lieu en 2026. Alors que le prédécesseur de l’ACEUM, l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), autorisait de vendre l’eau comme un « bien » si elle était embouteillée, il interdisait l’exportation d’eau en vrac. L’ACEUM, qui n’autorise actuellement pas l’exportation d’eau en vrac, pourrait être modifié de façon importante lors de la renégociation. Notons que le point ci-dessus implique que l’ACEUM demeure en place malgré les menaces de Trump concernant les droits de douane qui viendraient contrevenir à l’accord. Depuis 2020, l’eau a également sa place à Wall Street où des banquiers sont déjà en mesure de se remplir les poches grâce à la pénurie d’eau.
C’est donc une bonne chose que le gouvernement fédéral ait récemment créé l’Agence de l’eau du Canada. L’agence travaille avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones afin de protéger la qualité de notre eau et la santé des écosystèmes aquatiques. Il s’agit d’un objectif louable, mais nous devons nous assurer que l’agence ait les armes nécessaires à sa disposition pour protéger nos ressources en eau. Sa première mission est d’évaluer la Loi sur les ressources en eau du Canada qui fournit la structure législative pour la coopération entre toutes les branches du gouvernement sur la conservation, le développement et l’utilisation des ressources en eau. Plusieurs décennies se sont déjà écoulées depuis la dernière évaluation de la Loi (durant les années 1970). De plus, l’agence a la responsabilité de mettre en œuvre le Plan d’action sur l’eau douce. Le plan s’engage à mettre en place des mesures régionales visant à restaurer et à protéger les ressources d’eau douce en proposant des occasions de financement pour la surveillance et la protection des écosystèmes ainsi que la recherche scientifique.
Bien que nous ayons désespérément besoin de l’agence, il est essentiel qu’elle fasse en sorte d’enseigner aux Canadiens et aux Canadiennes comment bien gérer nos ressources d’eau douce et que nos gouvernements (fédéral, provinciaux, municipaux et territoriaux) soient à l’écoute des résultats des recherches accomplies dans le cadre du Plan d’action sur l’eau douce. L’agence à elle seule n’a pas la capacité de prévenir les négociations sur l’exportation d’eau en vrac. Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership en protégeant notre eau et en s’assurant que nos ressources en eau ne soient pas en jeu lors des négociations commerciales.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, le quart de la population mondiale n’a pas accès à de l’eau potable et salubre, y compris encore un trop grand nombre de communautés des Premières Nations au Canada. Il est de notre devoir absolu de protéger ce que nous avons et de nous assurer que nous ne traitons pas notre eau comme de la marchandise.