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3 novembre 2023

Le projet de l’Alberta de se retirer du RPC est problématique pour l’unité canadienne

Ces temps-ci, le gouvernement de l’Alberta jongle avec l’idée de retirer la province du Régime de pensions du Canada (RPC). Cet enjeu n’était vraiment pas un point saignant lors des dernières élections en Alberta, et il est plutôt déconcertant que la première ministre et son gouvernement en fassent soudainement un point de discorde majeur. Cela dit, il ne fait aucun doute que la décision d’une province de faire cavalier seul à ce chapitre peut être lourde de conséquences pour la sécurité de la retraite de tous les Canadiens.

Pour la majorité des Canadiens, le RPC est une source stable de revenus à la retraite. S’il est vrai que le Québec dispose de son propre régime de retraite, le RRQ, celui-ci existe sous une forme ou une autre depuis aussi longtemps que le RPC. C’est donc dire qu’il existe un précédent pour ce qui est de la création d’un régime provincial distinct, mais qu’il n’est jamais arrivé qu’une province se retire du RPC. La raison pour laquelle le gouvernement provincial préconise ce retrait n’est pas très claire non plus.

Le RPC a toujours joui d’une grande popularité. Quoiqu’un peu daté, un sondage d’opinion réalisé en 2016 par Angus Reid a montré qu’une majorité des Canadiens interrogés (58 %) étaient en faveur d’une modeste bonification des prestations du RPC et que 17 % d’entre eux souhaitaient que le RPC soit considérablement bonifié. Bien que la plupart des Canadiens ne comptent pas uniquement sur le RPC pour toucher un revenu de retraite, ce régime est l’un des principaux piliers garantissant aux Canadiens une retraite confortable, de pair avec les régimes de pension agréés en milieu de travail, l’épargne privée et, pour ceux qui y sont admissibles, la Sécurité de la vieillesse.

Le débat sur un éventuel retrait de l’Alberta du RPC s’appuie en partie sur la formule invoquée par la première ministre pour calculer les sommes dues à la province. Selon les calculs de Lifeworks, plus de la moitié des actifs du RPC devraient revenir à l’Alberta; toutefois, de nombreuses personnes ont qualifié ces calculs d’erronés. L’Office d’investissement du régime de pensions du Canada (OIRPC) a plutôt estimé qu’environ 16 % des actifs lui étaient dus. Le directeur général de l’Association nationale des retraités fédéraux, Anthony Pizzino, a lui aussi affirmé que l’Alberta n’était responsable que de 16 % de toutes les cotisations au RPC; dans une lettre d’opinion publiée dans le Globe and Mail, il a soutenu que si la formule de Lifeworks était appliquée à une autre province, par exemple à l’Ontario, et que celle-ci décidait de se retirer du régime national en premier, sa part et celle de l’Alberta excéderaient la totalité du fonds de l’OIRPC. « Par conséquent, la formule erronée invalide la plupart des conclusions du rapport », concluait-il.

Le gouvernement de l’Alberta a essuyé de vives critiques relativement à cette proposition et aux consultations afférentes, tant de la part de l’opposition néo-démocrate de l’Alberta que du premier ministre, de l’Office d’investissement du RPC et des Albertains eux-mêmes. Le chef conservateur Pierre Poilievre, qui s’est opposé par le passé à la bonification des prestations du RPC et qui reste l’un des plus fidèles alliés de la première ministre de l’Alberta, a déclaré qu’il encourageait les Albertains à ne pas abandonner le RPC. Quant au ministre des Finances de l’Ontario, il a récemment affirmé que cette proposition pourrait causer de graves préjudices à long terme aux travailleurs et aux retraités de l’Ontario et de l’ensemble du Canada. Selon un sondage réalisé par Abacus Data au début du mois d’octobre, 52 % des Albertains estiment que se retirer du RPC est une mauvaise idée, et seulement 19 % pensent qu’il s’agit d’une bonne idée.

Même si la province décidait de mettre ce plan à exécution, il subsisterait une foule d’impondérables. Elle entrerait en territoire inconnu. La province ne pourrait pas simplement se retirer du régime en empochant ce qu’elle estime lui être dû. Des négociations devraient avoir lieu avec le gouvernement fédéral, ainsi qu’avec les autres provinces et territoires. Des millions seraient probablement dépensés en frais juridiques, et on imagine mal que les travailleurs et les retraités seraient les bénéficiaires de ce régime.

Dans sa forme actuelle, le RPC demeurera financièrement viable pendant au moins 75 ans. Il est financé par les Canadiens et pour les Canadiens. Son grand nombre de cotisants fait sa force et sa stabilité, et c’est la raison pour laquelle les Canadiens en sont généralement satisfaits. Il semble insensé de débattre d’un tel projet alors que nous avons tant d’autres questions importantes à régler.