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6 mars 2023

Le rapport Rouleau : Un guide pour améliorer la réponse du gouvernement en cas de crise

Le 17 février, le juge Paul Rouleau a publié le rapport très attendu de la Commission sur l’état d’urgence au sujet du recours à la Loi sur les mesures d’urgence par le gouvernement à l’occasion des manifestations du Convoi de la liberté à Ottawa, Coutts et Windsor l’année dernière. Dans son rapport de plus de 2 000 pages, exigé par la Loi sur les mesures d’urgence, le juge Rouleau déclare : « J’ai conclu qu’en l’espèce, le seuil très élevé à respecter pour invoquer la Loi a été atteint. » Il ajoute : « Des manifestations légales ont sombré dans l’illégalité, au point de provoquer une situation de crise nationale. » L’exercice constitue un examen sérieux des circonstances qui ont abouti aux manifestations du Convoi de la liberté, mais, bien que le rapport conclue que le gouvernement a respecté le seuil établi pour invoquer la Loi, il dévoile également les défaillances qui ont mené à la situation rendant nécessaire le recours à la Loi et il fournit des recommandations sensées pour limiter l’utilisation future de la Loi.

Dans son rapport, la Commission n’hésite pas à aborder les problèmes qui sont à l’origine des manifestations. En effet, le rapport Rouleau brosse le portrait de gens qui ne se sentent pas représentés par la classe politique et le gouvernement, et dont les peurs, les frustrations et l’angoisse ont été exacerbées par la pandémie de COVID‑19. Le rapport qualifie les médias sociaux de terreau fertile pour le populisme de droite et le juge Rouleau affirme que les « témoignages de nombreux organisateurs et participants du convoi ont démontré une gamme de points de vue que je n’ai aucune difficulté à décrire comme fondés sur la mésinformation. Certains points de vue étaient carrément conspirationnistes. »

Le rapport souligne également que le premier ministre a attisé la frustration des manifestants lorsqu’il a dit que « la petite minorité marginale de personnes qui se dirigent vers Ottawa, ou qui ont des opinions inacceptables qu’ils expriment, ne représentent pas les opinions des Canadiens [...] ». Selon le juge Rouleau, « bien des gens ont pensé que ces commentaires [...] visaient tous les participants au Convoi de la liberté. Cela a eu pour effet d’énergiser les manifestants, de renforcer leur détermination et de les rendre encore plus aigris envers les autorités gouvernementales. »

Le rapport, qui explique de manière très détaillée les circonstances qui ont conduit à la manifestation, à l’occupation du centre-ville d’Ottawa et aux blocages frontaliers à Coutts et à Windsor, réserve certaines de ses critiques les plus acerbes au gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford. Le sommaire exécutif de 200 pages contient une sous-section entière consacrée au sujet, intitulée « L’absence de l’Ontario », où le juge Rouleau déclare : « L’un des thèmes qui a fait surface au cours de l’enquête est l’opinion selon laquelle le gouvernement de l’Ontario n’était pas pleinement engagé dans la réponse aux manifestations. De nombreux témoins avaient l’impression que la province tentait d’éviter la responsabilité de répondre à une crise à l’intérieur de ses frontières. » Cela n’a rien d’étonnant, puisque Doug Ford et Sylvia Jones, qui était alors solliciteure générale de la province, sont les deux seules personnes à avoir refusé de participer à l’enquête, invoquant pour ce faire le « privilège parlementaire ».

La partie la plus importante de cette enquête, à part les conclusions selon lesquelles le recours à la Loi sur les mesures d’urgence était justifié, est les recommandations formulées par le juge Rouleau sur les moyens que peuvent employer les gouvernements pour gérer de manière optimale ce genre de situation à l’avenir, afin qu’il ne soit pas nécessaire d’invoquer la Loi. Le rapport Rouleau présente 56 recommandations claires, notamment : veiller à ce que le gouvernement fédéral définisse, en collaboration avec les provinces et les territoires, des protocoles d’échange d’information, de collecte de renseignements et de distribution; envisager de nommer un seul coordonnateur national du renseignement pour les événements majeurs; veiller à ce que le gouvernement fédéral, de concert avec ses homologues provinciaux et territoriaux et les services de police, examine la portée et les limites des pouvoirs policiers en ce qui concerne les activités de protestation.

En ce qui concerne la Loi sur les mesures d’urgence elle-même, le rapport Rouleau présente plusieurs recommandations pour la renforcer et la rendre plus transparente. Il recommande notamment de modifier la Loi afin d’exiger que le gouvernement soit tenu de remettre à la Commission un énoncé complet des fondements factuels et juridiques de la déclaration afin de garantir que le recours à la Loi est nécessaire et qu’il est conforme à la Charte canadienne des droits et libertés. Le juge Rouleau recommande également d’exiger que tous les documents et renseignements non caviardés relatifs à la déclaration d’une situation de crise nationale soient remis directement à la Commission, et d’exiger que toutes les contributions au Cabinet et aux ministres soient produites à la Commission après la déclaration de l’état d’urgence. L’objectif consiste à invoquer la Loi sur les mesures d’urgence seulement lorsque les circonstances l’exigent, et de préférence pas du tout. Toutefois, s’il est nécessaire d’y avoir recours, il est essentiel de transmettre l’information à la Commission qui assure que les mesures prises sont aussi ouvertes et transparentes que possible.

Il y a lieu de féliciter le juge Rouleau de son travail dans ce dossier d’une complexité exceptionnelle. À l’avenir, il sera important de tenir compte de ses suggestions afin d’améliorer le maintien de l’ordre et les réponses du gouvernement en cas de crise.