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13 mars 2023

L’intervention alléguée du ministre de la Santé auprès du CEPMB doit faire l’objet d’une enquête

Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) du Canada est un organisme quasi judiciaire indépendant ayant pour tâche de maintenir le prix des médicaments vendus au Canada à un niveau raisonnable par rapport aux pays comparables au nôtre. Or, cet organisme a été ébranlé par la démission d’une poignée de hauts dirigeants. Cette vague de démissions survient six ans après que le gouvernement a promis de baisser le prix des médicaments en organisant des consultations sur la réglementation des médicaments brevetés.

Parmi les démissionnaires se trouvent le directeur exécutif du Conseil, Douglas Clark, l’administrateur Matthew Herder et l’ancienne présidente par intérim du conseil d’administration, Mélanie Bourassa Forcier. Bien que M. Clark n’ait pas indiqué les motifs de son départ et que Mme Forcier ait déclaré qu’elle prendrait le temps d’étudier ses obligations juridiques avant de révéler publiquement pourquoi elle a démissionné, M. Herder a rendu publique la lettre de démission qu’il a fait parvenir au ministre de la Santé. Il a notamment invoqué le refus du gouvernement de donner suite aux consultations effectuées par le Conseil en se gardant de contester sa propre loi devant les tribunaux, alors que certaines de ses dispositions ont été jugées non constitutionnelles. Il a en outre dénoncé le fait que le gouvernement remettait sans cesse à plus tard l’entrée en vigueur du reste de la réglementation. Comme si ce n’était pas suffisant, M. Herder a révélé que le ministre de la Santé avait « demandé » au Conseil de suspende les consultations sur la baisse du prix des médicaments pour des raisons « dont la forme et le fond ne se distinguaient guère aux arguments avancés par l’industrie concernant les lignes directrices proposées », car « le Conseil en voyait sa crédibilité entachée et ne pouvait pas […] exercer de manière indépendante ses fonctions de tribunal impartial ».

Ce que l’on sait, cela dit, c’est que les démarches des lobbyistes du secteur pharmaceutique semblent avoir eu un certain effet sur l’indépendance du Conseil. Le cabinet Innovative Médicaments Novateur Canada, qui a fait pression sans relâche sur les fonctionnaires de Santé Canada, a notamment demandé à pouvoir rencontrer les membres du conseil d’administration de l’organisme réglementaire une fois tous les trimestres. Après la démission de l’ancienne présidente du conseil d’administration, le ministre de la Santé a nommé à sa place un avocat en propriété intellectuelle proche du secteur pharmaceutique, M. Thomas Digby.

Les données à notre disposition nous permettent de croire que le ministre de la Santé a retardé les consultations à plusieurs reprises et qu’il pourrait s’être interposé directement dans le travail d’un organisme réglementaire indépendant chargé de faire baisser le prix des médicaments qu’achètent les Canadiens. Parmi les pays de l’OCDE, il n’y a qu’aux États-Unis et en Suisse que les médicaments coûtent plus cher qu’au Canada. La raison d’être même du CEPMB est de protéger les Canadiens en faisant en sorte que le prix des médicaments vendus au Canada ne devienne pas excessif, et toute tentative visant à en miner l’indépendance peut seulement avoir un effet haussier sur le prix des médicaments.

Le prix des médicaments est loin d’être négligeable. De trop nombreux Canadiens doivent renoncer aux médicaments qu’exige leur état de santé parce qu’ils coûtent trop cher. Et tandis que les libéraux nous ont rebattu les oreilles pendant des années avec la création d’un programme d’assurance-médicaments, celui-ci ne se trouvait nulle part dans leur dernière plateforme électorale, sauf dans une petite note de bas de page. Dans la mesure où il se peut que le ministre de la Santé ait fait pression en faveur du secteur pharmaceutique auprès d’un organisme indépendant, la tenue d’une enquête rigoureuse va de soi.

Lors de la réunion du Comité de la santé, une motion NPD visant à convoquer le ministre de la Santé et les dirigeants démissionnaires du Conseil au Comité de la santé a été adopter. La motion vise à connaître la nature des pressions qui les a poussés à démissionner, de faire la lumière sur les réticences du gouvernement à procéder à une réforme qu’il a lui-même annoncée et de déterminer si le secteur pharmaceutique a pu employer les vaccins contre la COVID‑19 comme monnaie d’échange pour éviter que le prix des médicaments ne baisse trop. Nous devons savoir ce qui sa pu se passer pour que trois membres éminents du CEPMB démissionnent en bloc et pour que le ministre de la Santé intervienne directement auprès d’un organisme indépendant et impartial.

Que l’on ne puisse pas échapper à la hausse vertigineuse du prix des médicaments à cause des pressions exercées par l’industrie est tout simplement effarant. Et ce n’est rien comparé à l’idée que le ministre de la Santé ait pu intervenir auprès d’un organisme indépendant à cause de ces mêmes pressions.