31 octobre 2024
Pourquoi le parlement est-il pris en otage par l’affaire des documents liés à TDDC?
Depuis près d’un mois maintenant, la Chambre des communes est paralysée. Elle est bloquée à cause d’un désaccord quant à la façon dont le gouvernement devrait publier les documents liés à son fonds pour les technologies vertes et au moment où il devrait les publier. Que se passe-t-il donc et comment pourrait-on résoudre l’impasse?
Tout d’abord, voici le contexte. Technologies du développement durable Canada (TDDC) était un organisme indépendant du gouvernement, dont le mandat consistait à verser des fonds à des entreprises mettant au point des technologies vertes. L’an dernier, le gouvernement a suspendu le financement de nouveaux projets par l’organisme après que TDDC eut pris certaines décisions questionnables sur l’affectation du montant de 1 milliard de dollars alloué au fonds. L’ancienne présidente de TDDC, Annette Verschuren, a démissionné de son poste en novembre 2023 à la suite de l’annonce du déclenchement d’une enquête par le commissaire fédéral à l’éthique après qu’elle eut révélé devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique avoir approuvé un montant de 200 000 $ du fonds de TDDC destiné à sa propre entreprise, NRStor. Après une vérification approfondie de TDDC, la vérificatrice générale (VG), Karen Hogan, a publié un rapport en juin 2024 dans lequel elle mentionne que son bureau a « constaté des défaillances importantes dans la gouvernance et la gestion des fonds publics » assurés par TDDC. Dans son rapport, la VG souligne également que son bureau a « relevé [...] 90 cas liés à des décisions d’approbation – représentant près de 76 millions de dollars en financement de projets – où les politiques de la Fondation sur les conflits d’intérêts n’avaient pas été respectées ».
À la suite de la publication du rapport de la VG, les députés ont voté sur une motion ordonnant au gouvernement de déposer les documents liés à TDDC auprès du légiste dans les 30 jours de séance suivant l’adoption de la motion, documents qui seraient ensuite remis à la GRC aux fins d’enquête. Or, le gouvernement n’a pas produit tous les documents demandés dans ce délai, et le Président a tranché qu’une question de privilège parlementaire était fondée. Depuis, comme les questions de privilège parlementaire ont préséance sur toutes les autres affaires à la Chambre des communes et que les députés débattent une motion concernant la production des documents depuis le 2 octobre, le Parlement est paralysé. Les votes et les débats sur pratiquement tout ce qui n’a pas trait aux documents de TDDC sont arrêtés.
Bien que le gouvernement signale qu’il a rendu publics certains documents, sa position est de renvoyer l’affaire au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre (PROC), ce qui est, en substance, ce que dicte en gros la motion initiale présentée par l’Opposition officielle et ce avec quoi sont d’accord tous les partis politiques. Certains font valoir que le gouvernement devrait fournir les documents pour qu’ils puissent être remis à la GRC. Or, la GRC a fait savoir que si des actes criminels ont été commis dans cette affaire, elle devrait obtenir les documents en question au moyen de la procédure normale, c’est-à-dire qu’elle doit recevoir une ordonnance de communication de la part d’un juge afin d’avoir accès aux documents en question. La GRC a également déclaré qu’elle a obtenu un certain nombre de documents liés à cette affaire et qu’elle mène actuellement sa propre enquête. Elle ne peut tout simplement pas confirmer de quels documents il s’agit, car l’enquête est en cours et que la divulgation de tels renseignements pourrait compromettre à la fois l’enquête et toute action en justice éventuelle si des accusations venaient à être portées.
Entre-temps, les travaux du Parlement restent bloqués, d’une part parce que le gouvernement refuse de produire « certains documents » comme demandé, d’autre part parce qu’on se demande qui a la responsabilité de rendre publics les documents non caviardés. Ce n’est pas un incident isolé, comme en témoigne l’histoire. D’autres gouvernements ont agi de la sorte. Certains se rappelleront peut-être que l’ex-premier ministre, Stephen Harper, avait été reconnu coupable d’outrage au Parlement pour avoir refusé de produire des documents liés à la torture de détenus afghans.
Pour résoudre l’impasse dans laquelle nous nous trouvons, il faudrait que le gouvernement remette les documents demandés ou que l’Opposition officielle mette fin à ce débat et que l’affaire soit renvoyée au comité, ou encore que le gouvernement fasse un compromis et consente à certaines demandes de l’un ou l’autre des partis d’opposition en échange de son appui à la présentation d’une motion de clôture.
À ce stade-ci, il est incertain combien de temps encore durera cette impasse entre le gouvernement et l’Opposition officielle avant que le Comité PROC soit saisi de la motion et que la Chambre puisse poursuivre le programme législatif.