3 octobre 2024
Commentaires de l’envoyée Allemande sur le gaz naturel : un signe que des discussions sur l’énergie sont à venir?
À la fin septembre, Jennifer Morgan, secrétaire d’État allemande et envoyée spéciale pour l’action climatique internationale, a fait un commentaire relativement anodin qui a semblé susciter un large éventail de réactions de la part de dirigeants d’entreprises et politiques de tout le Canada. En tant qu’écologiste et ancienne directrice générale de Greenpeace, elle a déclaré que « toutes les études montrent que le marché va se rétrécir », faisant référence à la dépendance de l’Allemagne et d’autres pays européens à l’égard des importations de gaz naturel canadien. « L’Allemagne va miser sur les énergies renouvelables et la demande en gaz va diminuer ».
Ce commentaire est tout à fait conforme à la réalité. C’est en fait assez raisonnable quand on mesure l’avance que prennent de nombreux pays pour réduire leur dépendance aux combustibles fossiles et devenir indépendants sur le plan énergétique, en particulier en Europe où de nombreuses nations se détournent des importations de GNL en provenance de Russie depuis son invasion illégale de l’Ukraine. L’Europe a activement réduit ses importations à la suite de l’invasion, qui sont passées d’environ 40 % de GNL importé de Russie en 2021 à environ 8 % en 2023. Il s’agit certes d’une baisse importante, mais elle s’inscrit également dans la tendance des Européens à utiliser moins de gaz naturel que par le passé. Ils continuent d’importer du GNL, mais les principaux pays d’importation sont la Norvège, les États-Unis, l’Afrique du Nord et le Qatar, le Canada n’entrant pas vraiment en ligne de compte.
Les Allemands se sont engagés dans une voie beaucoup plus stricte que la nôtre pour réduire leurs émissions de carbone. Ils cherchent à devenir des émetteurs nets zéro d’ici 2045, soit cinq ans avant les objectifs actuels du Canada. L’Allemagne est à la fois la plus grande économie d’Europe et son plus grand émetteur de carbone. Selon les projections actuelles du pays, l’Allemagne cherche à réduire ses importations de gaz de 30 % d’ici 2030 et de pas moins de 96 % d’ici 2050. Il ne s’agit pas d’objectifs, mais de prévisions, selon Mme Morgan.
Mais son commentaire sur ce sujet ne relève pas de la simple spéculation. Un récent rapport de l’Institut international du développement durable (IIDD) indique que le GNL canadien n’est pas la réponse aux besoins énergétiques à court terme de l’Europe. Comme aucune infrastructure d’exportation de gaz naturel liquéfié ne sera disponible avant au moins 2025 et que les États membres prennent de plus en plus d’engagements en matière de climat, il semble que le délai pour exporter du GNL vers l’Europe s’amenuise rapidement. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aurait pas de marché pour le GNL canadien ailleurs dans le monde. Selon Ressources naturelles Canada, il existe huit projets d’exportation de GNL à différents stades de développement au Canada. C’est simplement que l’Europe utilise beaucoup moins de GNL. Selon l’Energy Information Administration des États-Unis, la consommation de gaz naturel a diminué de 18 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes (2017-2021) dans l’ensemble de l’UE.
Il est évident que l’Allemagne et d’autres pays de l’UE restent intéressés par nos autres ressources naturelles. Cet été, le Canada et l’Allemagne se sont engagés dans un pacte de 600 millions de dollars pour exporter de l’hydrogène. Le monde entier a besoin de minéraux critiques que le Canada est heureux d’exporter, à hauteur de 153,1 milliards de dollars en 2022, ce qui représente 21 % de toutes les exportations canadiennes de marchandises, y compris le fer, l’acier, l’or, le nickel, la potasse et d’autres produits de base essentiels.
Toutefois, ce sont les commentaires de Mme Morgan sur le GNL en particulier qui semblent avoir offusqué les personnes peu intéressées par la lutte contre les changements climatiques. La cheffe adjointe des conservateurs a déclaré ceci après l’entrevue de Mme Morgan : « Alors que laCBC interviewe des activistes climatiques associés à Greenpeace dans des pays étrangers pour justifier la destruction des chèques de paie canadiens, le fait est que l’Europe est venue frapper à la porte pour obtenir notre GNL de classe mondiale... ». Insulter les dirigeants étrangers n’est peut-être pas la meilleure approche pour vendre du GNL sur les marchés étrangers. Il est assez compréhensible que les conservateurs s’insurgent contre les commentaires de Mme Morgan. Le conseil national du parti compte un certain nombre de lobbyistes pétroliers qui l’aident à se forger une opinion sur ces questions. Mais cela ne change rien au fait que les marchés étrangers cherchent à acheter ou non notre GNL.
Les marchés étrangers cherchent à acheter nos ressources, et c’est une bonne chose. Mais nous ne pouvons pas leur vendre ce qu’ils ne sont pas prêts à acheter. Compte tenu de l’état de la crise climatique que nous connaissons, nous devrions suivre l’exemple de pays comme l’Allemagne en donnant la priorité à la réduction de notre utilisation des combustibles fossiles.