16 décembre 2024
La crise de la santé mentale au Canada
Puisqu’un Canadien sur cinq souffre d’un problème de santé mentale chaque année, l’état de la santé mentale dans notre pays n’est rien de moins qu’alarmant. Il est temps de cesser de considérer la santé mentale comme une préoccupation secondaire et de reconnaître son importance fondamentale pour le bien-être des personnes et de la société dans son ensemble.
Le récent rapport de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) intitulé L’état de la santémentale au Canada 2024dresse un tableau sombre, révélant que le bien-être mental des Canadiens s’est considérablement dégradé, et les taux accrus d’anxiété, de dépression et de détresse psychologique seraient trois fois pires qu’avant la pandémie de la COVID-19. L’isolement, l’incertitude et les enjeux économiques engendrés par la pandémie n’ont fait qu’amplifier ces problèmes, rendant le rétablissement difficile pour de nombreuses personnes et laissant notre système de soins de santé en difficulté.
L’augmentation du coût de la vie a aussi aggravé cette crise. Les facteurs de stress socio-économiques tels que l’inflation ont également d’importantes répercussions. Selon l’ACSM, les Canadiens affectés par la hausse des coûts signalent des niveaux plus élevés d’anxiété (33 %) et de dépression (32 %), tandis que 31 % d’entre eux ont des idées suicidaires plus marquées. Les contraintes financières obligent de nombreuses personnes à réduire leurs dépenses de santé, ce qui ne fait qu’exacerber ces problèmes. De plus, la géographie joue un rôle important dans les résultats en matière de santé mentale, les provinces et les territoires présentant des variations substantielles dans l’accès aux soins et la prévalence des problèmes de santé mentale. Les communautés rurales et éloignées sont confrontées à des enjeux importants en raison de la disponibilité limitée des professionnels de la santé mentale, des longues distances à parcourir pour accéder aux services et des infrastructures inadéquates, qui exacerbent les obstacles à des soins opportuns et efficaces.
Le poids de ces enjeux systémiques pèse encore plus sur les populations vulnérables. Pour les communautés autochtones du Canada, les problèmes de santé mentale sont profondément liés à des inégalités historiques et systémiques. L’héritage dévastateur des pensionnats, la rafle des années 1960 et la discrimination continue ont laissé de nombreuses communautés aux prises avec des traumatismes intergénérationnels. Ces expériences ont entraîné d’importantes crises de santé mentale, notamment des taux élevés de dépression, d’anxiété et de suicide. L’accès aux soins de santé reste un obstacle majeur. Un rapport de Statistique Canada de 2024 révèle que 32 % des membres des Premières Nations vivant hors réserve, 30 % des Métis et 29 % des Inuits ont fait état de besoins non satisfaits en matière de soins de santé au cours de l’année écoulée. Il est alarmant de constater que les femmes des Premières Nations vivant hors réserve sont plus susceptibles de déclarer des besoins non satisfaits que les hommes. Ces disparités mettent en évidence le besoin urgent de services pour la santé mentale culturellement sûrs et accessibles pour résoudre les enjeux uniques auxquels sont confrontées les communautés autochtones.
De même, la jeunesse canadienne est également en première ligne de cette crise. L’augmentation des taux d’anxiété, de dépression et de détresse émotionnelle a fait des problèmes de santé mentale l’une des principales causes d’hospitalisation chez les jeunes de 5 à 24 ans, les jeunes femmes de 15 à 17 ans étant particulièrement vulnérables. La pandémie n’a fait qu’aggraver ces difficultés, augmentant l’isolement et le stress tout en exacerbant les obstacles à l’accès. Les longs délais d’attente, les coûts élevés et les services limités destinés aux jeunes, en particulier dans les zones rurales et mal desservies, privent de nombreux jeunes du soutien dont ils ont désespérément besoin.
Pour s’attaquer efficacement à la crise croissante de la santé mentale au Canada, le gouvernement fédéral doit faire de la santé mentale une composante fondamentale de l’ensemble des soins de santé. Une première étape importante consiste à allouer aux services pour la santé mentale un financement équivalent à celui des soins de santé physique, afin que chaque Canadien puisse accéder au soutien nécessaire, quels que soient ses revenus ou son lieu de résidence. Par exemple, l’intégration des services pour la santé mentale et la toxicomanie dans le système de soins de santé universel du Canada constituerait un pas en avant vers l’élimination des obstacles financiers. Ce faisant, nous pourrions faire en sorte que personne ne soit contraint de choisir entre son bien-être mental et sa stabilité financière.
Une autre solution essentielle à la crise est l’élaboration d’une stratégie nationale pour la santé mentale qui garantisse un accès équitable aux soins à tous les Canadiens. Cette stratégie doit donner la priorité aux populations mal desservies, telles que les communautés autochtones et les jeunes, en fournissant des services communautaires culturellement sûrs et adaptés à leurs besoins et enjeux précis. Une intervention précoce et des soins accessibles sont également essentiels pour faire face aux enjeux avant qu’ils ne s’aggravent. L’expansion des centres de santé mentale communautaires et des services de télésanté peut contribuer à combler les lacunes en matière de soins, en particulier dans les zones rurales et éloignées.
La santé mentale, c’est la santé, et la résolution de la crise de la santé mentale au Canada nécessite des mesures urgentes et soutenues. En donnant la priorité au financement, à l’accès équitable et à l’intervention précoce, nous pouvons créer un système qui soutient chaque Canadien. Investir dans les soins de santé mentale n’est pas seulement la bonne chose à faire, c’est essentiel pour construire un Canada plus sain et plus résilient.