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24 juin 2021

Le CRTC revient sur sa décision concernant les tarifs Internet de gros, une perte pour les consommateurs

La couverture Internet dans les régions rurales et nordiques du Canada est un problème persistant depuis des années. Bien que l’industrie des télécommunications au Canada soit dominée par de grands joueurs, il y a de nombreux revendeurs, surtout dans les villes. Dès qu’on s’éloigne des villes, de moins en moins d’options sont offertes, ce qui crée une situation où il n’y a pas de concurrence susceptible de limiter les coûts ou le rendement. Les clients peuvent donc être tenus de payer un prix très élevé pour un service de qualité médiocre.

Compte tenu des promesses répétées faites par le gouvernement, qui a dit vouloir accorder de l’aide pour étendre les services Internet aux régions rurales et isolées du Canada, il est surprenant que l’organisme de réglementation fédéral, le CRTC, fasse marche arrière et abandonne son plan de réduction des tarifs Internet de gros. Dans une décision rendue fin mai, le CRTC est revenu sur sa décision de baisser les tarifs de gros, qui avait été annoncée en août 2019. À l’époque, les petits fournisseurs d’Internet avaient fait profiter leurs clients des économies attendues. Désormais, ces réductions devront être annulées ou les pertes seront absorbées par les plus petits joueurs. Dans le nord de l’Ontario tout particulièrement, cette décision rend le développement de la concurrence moins probable dans les zones où de meilleurs services sont nécessaires, et même dans les zones qui ne sont actuellement pas desservies.

Naturellement, les trois grandes sociétés de télécommunications du Canada, soit Bell, Telus et Rogers, voient les choses d’un autre œil. Elles soutiennent que cette mesure favorisera l’expansion des services dans les régions rurales, mais cela reste à voir. Avec un retour aux tarifs de 2016, il est beaucoup plus probable qu’il y aura une augmentation des prix d’Internet et que les petits fournisseurs lutteront pour survivre dans un climat de moins en moins concurrentiel, qui profite aux grands joueurs.

Un autre résultat de ce revirement de situation est le fait que de plus en plus d’intervenants réclament que le président du CRTC, Ian Scott, soit remplacé. M. Scott, un ancien député libéral provincial et ministre du Cabinet, est également un ancien dirigeant de TELUS nommé par le gouvernement actuel. Bien qu’il soit à la tête du CRTC, il a déclaré publiquement sa préférence personnelle pour une concurrence fondée sur les installations plutôt que sur le commerce de gros, et il a plus particulièrement lié ce point de vue en partie à certaines de ses expériences dans le secteur privé. Le problème ici, c’est que le secteur privé ne pourra jamais répondre à nos besoins dans les régions rurales et isolées s’il n’est pas poussé à le faire ou récompensé de le faire. Dans le contexte du maintien du statu quo en ce qui concerne les tarifs de gros, il est difficile de voir comment le changement pourrait être instauré par les géants des télécommunications du Canada. Et peut-être qu’il ne le sera pas.

Le changement pourrait venir de l’extérieur du pays, bien avant que les joueurs canadiens marquent des progrès dans les régions qu’ils s’entêtent à mal desservir et même à ne pas desservir. Le réseau Starlink est porteur de changement, car il est en passe de devenir un acteur mondial offrant un service Internet par satellite qui, une fois achevé, atteindra tous les points du globe. Starlink est une filiale de SpaceX, la société d’Elon Musk, qui construit et lance les satellites. Elon Musk est également célèbre pour son entreprise de voitures électriques, Tesla, et il poursuit toutes sortes de projets avant-gardistes, dont le transport sous vide (hyperloop).

Pour l’instant, le réseau Starlink est accessible dans certaines parties du Canada aux personnes désireuses de devenir des testeurs bêta de la technologie. Le problème? Ce n’est pas bon marché et le service peut être irrégulier. Une fois achevée, cette option sera tentante pour ceux qui peuvent se la permettre, mais elle pourrait empêcher la croissance d’options abordables pour les personnes dont les moyens sont plus limités. Cela dit, le potentiel d’un accès rapide et illimité à Internet pourrait suffire à convaincre certains de payer un peu plus.

Si Starlink prend son envol, il pourrait permettre aux grandes sociétés de télécommunications canadiennes de ne plus avoir à se soucier de l’expansion des services Internet. Si une telle possibilité ne représente pas un problème pour les consommateurs qui peuvent se le permettre, elle pourrait causer des difficultés pour ceux qui ont besoin d’une connectivité plus abordable. Le renversement de la décision touchant les tarifs de gros permet aux trois grandes sociétés de télécommunications de demeurer à l’aise dans leur situation, mais la justification pour le changement était qu’elles étendent leurs services dans les régions rurales et éloignées. Si Starlink rend ce projet peu attrayant, le CRTC devrait reconsidérer l’avantage qu’il a accordé aux trois grands fournisseurs d’accès à Internet.