17 décembre 2023
Le projet de règlements sur le méthane est un début, mais il faut aller plus loin pour réduire les émissions
Au cours de la semaine dernière, des dirigeants mondiaux ont participé à la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, la Conférence des Parties (COP28), pour débattre de la manière dont nous atteindrons les objectifs de réduction des émissions en vertu de l’Accord de Paris. Même si les ententes découlant des conférences sont importantes, la preuve est faite. Dans ce cas-ci, promettre d’agir à l’égard des changements climatiques et faire le dur travail nécessaire pour aider à réduire nos propres émissions de carbone sont deux choses bien différentes.
Il y a deux ans, au sommet de la COP26, le gouvernement du Canada a signé une entente en appui à un engagement mondial sur le méthane, visant à créer un cadre pour réduire les émissions de gaz de méthane. Le méthane piège 80 fois plus de chaleur que le dioxyde de carbone lorsqu’il se trouve dans l’atmosphère, mais il a une demi-vie beaucoup plus courte (10,5 ans par rapport à 120 ans pour le CO2). Il a un grand effet sur notre capacité de lutter contre les changements climatiques, puisqu’il représente environ 30 % de la hausse actuelle des températures mondiales, selon l’Agence internationale de l’énergie. En théorie, il devrait aussi être plus facile à traiter, car la plus grande partie du méthane est émis lors de la production ainsi que du transport du charbon, du gaz naturel et du pétrole.
Deux longues années après la signature de cette entente, nous connaissons enfin les détails préliminaires du plan de réduction de méthane du gouvernement, qui vise à réduire de 75 % d’ici 2030 les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier du Canada par rapport aux niveaux de 2012. Le gouvernement prévoit y parvenir en éliminant la ventilation et le torchage courants des infrastructures pétrolières et gazières, qui font en sorte qu’une grande quantité de méthane est relâchée dans l’atmosphère. La ventilation et le torchage consistent à émettre ou à brûler les sous-produits du processus d’extraction du pétrole, principalement du gaz naturel. Les fuites de gaz, aussi assez répandues lors de la production pétrolière, sont un émetteur important de méthane. Selon la Banque mondiale, la quantité de gaz brûlé en torchère dans le monde entier pourrait permettre d’alimenter en énergie l’ensemble de l’Afrique subsaharienne.
Les nouveaux règlements proposés interviennent à un moment où le Canada est pointé du doigt comme ayant le pire bilan climatique du G7, alors que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 2,1 % en 2022, principalement en raison de l'augmentation de la production de pétrole et de gaz. Même si le gouvernement ne cesse de marteler qu’il prend des initiatives en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre, le pays en produit toujours plus.
Dans le cadre de ses initiatives de réduction des émissions provenant des plus grands émetteurs, soit les producteurs de pétrole et de gaz, le gouvernement se concentre surtout sur le financement du captage, de l’utilisation ainsi que du stockage du carbone (CUSC). L’approche de CUSC consiste à accorder aux sociétés pétrolières et gazières des centaines de millions de dollars en subventions pour leur permettre de mettre au point une technologie de captage des émissions de carbone, dont le fonctionnement à grande échelle n’a pas encore été prouvé concrètement. Une telle approche coûte cher et permet aux grands émetteurs de s’en tirer à bon compte. Même s’il est possible d’utiliser le CUSC, la diminution de notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles devrait être l’objectif ultime. Le maintien du statu quo ne fonctionnera pas. Nous devons faire en sorte que les intervenants du secteur pétrolier et gazier au Canada sont à l’œuvre pour réduire les émissions.
Le fait que nous ayons enfin une ébauche de règlements sur la réduction du méthane est une bonne chose, mais il est regrettable que cela ait pris autant de temps. Dans son plan de réduction des émissions du Canada, le gouvernement lance un appel à une réduction de 110 mégatonnes des émissions du secteur pétrolier et gazier d’ici 2030, et il lui faut mettre en place des règlements raisonnables pour sa réalisation. De surcroît, Environnement et Changement climatique Canada accepte les commentaires sur le projet de règlements sur le méthane jusqu’à la mi-février. Avec des règlements stricts en matière de réduction du méthane, nous pourrons commencer à contribuer à la lutte contre les changements climatiques, mais nous devons veiller à ce que ces règlements ne soient pas affaiblis lorsque le projet de loi sera réellement déposé, en particulier par l’entremise de pressions exercées par les intervenants de l’industrie.
Les Canadiens ne peuvent plus être perçus comme des traînards pour ce qui est de la réduction des émissions de carbone. Des règlements sur le méthane sont nécessaires, maintenant plus que jamais, et peuvent nous aider à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, mais le travail ne peut plus être repoussé.