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12 février 2024

L’opposition manifestée contre l’accord conclu entre Loblaws et Manuvie confirme la nécessité d’un régime d’assurance-médicaments universel

La semaine dernière, Manuvie, la principale compagnie d’assurance du Canada, a fait les manchettes partout au Canada lorsqu’elle a annoncé à ses clients que leurs ordonnances pour 260 médicaments de spécialité pourraient uniquement être exécutées par la chaîne Shoppers Drug Mart et les autres pharmacies appartenant à Loblaws. Dans tout le pays, des pharmacies indépendantes, des groupes de soins de santé, des syndicats et des consommateurs ont vivement condamné cette décision. Leur réprobation a forcé Manuvie à faire marche arrière et à annoncer qu’elle renonçait à ce projet insensé en l’espace d’une semaine. Il y a toutefois lieu de se demander comment nous en sommes arrivés là, quelles auraient été les conséquences d’un tel accord pour les consommateurs, et ce que nous pouvons faire pour éviter une autre situation de ce genre.

L’accord initial entre Manuvie et les pharmacies de Loblaws n’est pas un phénomène nouveau, même si la pratique se voit davantage aux États-Unis, où les assureurs entretiennent des relations plus étroites avec certaines chaînes qui forment ce qu’on appelle des réseaux de pharmacies privilégiées : en gros, un assureur conclut un accord avec une pharmacie pour qu’elle lui accorde un tarif préférentiel. Certains assureurs au Canada ont déjà des ententes avec ce genre de réseaux, mais celles-ci sont fondées sur la participation volontaire : le client peut faire des économies en allant voir le détaillant que son assureur lui recommande, mais il reste libre de faire exécuter son ordonnance à la pharmacie de son choix. Or, l’accord d’exclusivité conclu entre Manuvie et Loblaws empêchait le patient de choisir sa pharmacie.

Dès que la nouvelle de l’accord a été diffusée, les néo-démocrates ont demandé au Bureau de la concurrence d’enquêter sur Manuvie et Loblaws pour vérifier s’il y avait eu des agissements anticoncurrentiels. Manuvie a cédé, manifestement vaincue par la mauvaise presse et la réprobation générale que l’accord lui ont values. Cet accord aurait obligé des clients à fréquenter plusieurs pharmacies pour obtenir leurs médicaments. Dans les régions rurales, particulièrement dans le nord de l’Ontario, il aurait obligé de nombreuses personnes à faire de longs trajets en voiture simplement pour obtenir les médicaments dont ils avaient besoin. Les médicaments visés par l’accord étaient ceux qui relèvent du Programme de gestion des médicaments de spécialité de Manuvie et qui servent à traiter des problèmes médicaux comme la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques, la maladie de Crohn, l’hypertension artérielle pulmonaire, l’ostéoporose, certains types de cancer et l’hépatite C.

Il est difficile d’imaginer que ce genre d’accord puisse jamais être dans l’intérêt du consommateur. Seuls les géants comme Loblaws ont l’argent, les ressources et les lobbyistes nécessaires pour signer des accords avec les grands assureurs. S’il est clair que Manuvie voulait conclure un accord pour faire des économies, rien ne donne à penser qu’une quelconque disposition de cet accord aurait eu un effet sur les frais assumés par les pharmacies participantes. Pourtant, quoiqu’impopulaire, ce genre d’accord est tout à fait légal partout sauf au Québec, où les ententes d’exclusivité entre assureurs et pharmacies sont interdites.

Un des problèmes auxquels nous sommes confrontés est l’ampleur du lobbying effectué par des sociétés comme Manuvie et Loblaws. Ces deux dernières années, Loblaws a fait du lobbying à 60 reprises auprès des libéraux. La société Jenni Byrne + Associates, qui appartient au conseiller principal du chef du Parti conservateur, est un lobbyiste enregistré pour Loblaws en Ontario. Les règles sur le lobbying et la concurrence devraient servir au mieux les intérêts des Canadiens, pas ceux des entreprises. Des projets de loi comme le projet de loi C-352, qui durcit les sanctions contre les agissements anticoncurrentiels et bloque les fusions susceptibles d’aboutir à une concentration excessive des parts d’un marché, pourraient contribuer à éliminer les problèmes de cette nature.

L’accès des Canadiens à des médicaments essentiels ne devrait pas dépendre des décisions de quelques mégasociétés. S’il est bien conçu, le régime d’assurance-médicaments canadien qui fait partie de l’entente de soutien et de confiance pourrait empêcher des assureurs et de grandes chaînes de magasins au détail de conclure d’autres accords de ce genre à l’avenir. Notre capacité à entraver les démarches mercantiles des grandes sociétés dépend de la volonté du gouvernement de mettre en place un régime d’assurance-médicaments robuste. La population canadienne mérite un régime à payeur unique qui fait passer la santé et le bien-être des patients avant les profits des grandes entreprises.