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14 juin 2024

Menaces contre les députés : une situation qui a complètement dégénéré

La semaine dernière, le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre (PROC) a commencé à examiner la politique de la Chambre sur la prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail. Dans le passé, une telle réunion aurait été considérée comme anodine et n’aurait pas mérité de faire l’objet d’un article en fin de journal ou d’un article sur un site Web. Or, ce n’est pas ce qui s’est passé, puisque le comité PROC a recueilli témoignage après témoignage, souvent des députés, qui ont raconté dans les moindres détails le niveau extrême de harcèlement, de menaces de violence et de menaces de mort qu’ils ont reçu ou constaté. Ce n’est pas normal, ni acceptable.

Patrick McDonell, le sergent d’armes et directeur de la sécurité institutionnelle actuel à la Chambre des communes, a bien su résumer la situation: « En 2019, nous avons ouvert environ huit dossiers sur les comportements menaçants, directs ou directs, à l’égard d’un député. Or en 2023, 530 dossiers ont été ouverts. » Les manchettes sont une triste compilation des orientations de notre discours politique : dans un article du National Post, on peut lire MPs advised to lock office doors, avoid meetings as death threats skyrocket [Montée en flèche des menaces de mort : les députés sont invités à verrouiller les portes de leur bureau et à éviter les réunions]; ou encore, dans un article de la CBC, Harassment of MPs spiked almost 800% in 5 years, says House sergeant-at-arms [Augmentation de près de 800 % du harcèlement des députés en cinq ans, selon le sergent d’armes de la Chambre des communes].

Il s’agit d’une situation étonnamment déprimante, qui a d’ailleurs suscité de vives inquiétudes de la part d’un certain nombre de députés et d’autres fonctionnaires au cours des dernières années.

Bien que gardé sous silence, ce sentiment était déjà présent depuis un certain temps. Il est très inquiétant d’entendre le sergent d’armes révéler l’augmentation massive des menaces et du harcèlement.

Lorsqu’on lui a posé des questions sur le harcèlement en ligne, le sergent d’armes a répondu ceci : « Nous en sommes au point où nous déclarons en vrac le harcèlement des députés en ligne, car il y en a tellement. Les plateformes de médias sociaux, d’une part, ne nous répondent pas, ou bien nous répliquent : “Oui, nous allons examiner la question”, et c’est tout. » La nature même des médias sociaux a rendu plus faciles les attaques, le harcèlement et les menaces, les utilisateurs pouvant se cacher derrière l’anonymat. Et, en raison du travail qu’ils accomplissent pour représenter leurs électeurs, les députés sont des cibles faciles pour ce genre de comportement. Nous savons depuis longtemps que les médias sociaux reposent sur l’engagement et que la rage est souvent l’outil le plus simple pour maintenir l’engagement des gens. Mais cela a un coût énorme auquel nous ne sommes pas encore tout à fait prêts à faire face.

Ce n’est pas une question de partisanerie, mais de la façon dont nous interagissons les uns avec les autres. Lors de cette réunion du Comité PROC, de nombreux témoins étaient des femmes parlementaires. La députée conservatrice Michelle Rempel Garner et la députée néo-démocrate Lyndsay Mathyssen ont toutes deux déclaré avoir reçu des menaces de mort. La députée libérale Pam Damoff, qui a récemment décidé de ne pas se présenter de nouveau en invoquant le harcèlement, a déclaré : « Le niveau de menaces et de misogynie auquel je fais face en ligne et en personne est tel que je crains souvent de sortir en public, et ce n’est pas une façon durable et saine de vivre. » Mon collègue et ami Charlie Angus a dû demander à la PPO de venir répondre aux appels téléphoniques dans son bureau de circonscription à un certain moment parce qu’il recevait un flot de menaces dans une période de 24 heures.

Par ailleurs, même si je n’en ai pas beaucoup parlé publiquement, j’ai personnellement travaillé avec le bureau du sergent d’armes après avoir reçu des menaces au cours des derniers mois, une première en presque 16 ans de carrière en tant que députée. Il m’est bien sûr arrivé de recevoir des appels téléphoniques de personnes en colère (la nature même de la politique fait qu’on ne peut pas toujours contenter tout le monde), mais jamais au point que moi ou mon personnel n’ayons eu à craindre pour notre sécurité personnelle jusqu’à récemment. En conséquence, une plainte officielle a été déposée auprès de la police et des poursuites ont été engagées. Je ne l’ai pas envisagé à la légère, mais il est hors de question de laisser mon personnel ou moi-même exposés à des menaces de mort actives et à un harcèlement incessant.

Cette croissance inacceptable de l’intimidation et des abus a un coût énorme, à la fois sur le plan financier et, encore plus important, pour notre démocratie. Les frais de la GRC pour protéger les députés, à l’exception du premier ministre, ont augmenté pour atteindre 1,8 million de dollars au cours de l’exercice 2022-23; nous sommes en bonne voie de doubler ces dépenses en 2023-24. C’est une augmentation importante. Mais ce qui est encore plus grave, c’est le nombre de personnes qui renonceront à se présenter aux élections. Quiconque ne se sent pas capable de supporter un tel tourbillon de hargne peut se dire que ce travail n’en vaut pas la peine. Cela signifie que les personnes les plus susceptibles d’attirer ces menaces (les femmes, les autochtones, les jeunes, les personnes LBTQ+, etc.) seront moins enclines à se présenter aux élections, ce qui nuit gravement à la démocratie représentative.

Nous avons récemment constaté que ce problème ne s’aggrave pas seulement au Canada, mais aussi dans d’autres pays du monde. Il est évident que nous devons mieux faire baisser la pression sur les médias sociaux et dans la sphère politique, sinon nous risquons d’éloigner la prochaine génération de dirigeants de la fonction publique.